Au début de ce mois de décembre, un article à fait beaucoup de bruit. Il s’agit du billet de Guillaume Champeau : Voyage au pays des sexistes et homophobes. Pour résumer : celui-ci a un fils qui n’osait pas demander une poupée pour Noël parce que les pages du catalogues étaient roses. Il a raconté cette histoire sur Twitter. Une déferlante d’insultes à caractère homophobe et sexiste s’est abattue sur lui et son fils.
Alors : pourquoi ? Et qui est responsable ? Comment c’était avant ?
À la maison
Ici, à la maison, mon fils a 3 ans de moins que sa sœur. Il porte des vêtements roses, il joue avec les jouets de sa sœur, il s’amuse avec des poupées… Certains petits garçons autour de moi se déguisent en fille (en robe).
Est-ce pour autant qu’ils vont devenir (je cite) des « pds » ? Je ne pense pas. Et même si c’était le cas, est-ce bien grave ?
Pourquoi est-ce important ?
Parce que l’enfance et les jouets forgent le monde de demain. L’enfant est « formaté » dès le jeune âge et lui dire que le fer à repasser est destiné aux filles et que le bricolage c’est pour les garçons, et bien cela peut l’influencer pour plus tard… Non, le ménage n’est pas seulement réservé aux filles ! N’oubliez pas que nous sommes inconsciemment « programmés » pour écouter nos parents…
Un petit tour sur le web
J’ai décidé de mener ma petite enquête… J’ai fait un comparatif des sites d’e-commerce les plus connus. J’ai visité les versions desktop et je les ai classés en 2 catégories.
Voici les « bons élèves » :
– Disney Store
– Rue du Commerce
– JouéClub
– Cdiscount
Sur ces derniers sites, on ne trouve aucune distinction « jouets fille / jouets garçon ». On appelle ceci le « gender-blind ». Comme vous pouvez le remarquer, il n’y en a pas beaucoup.
Les mauvais élèves :
– La Grande Récré (filtre genre)
– Amazon (pages dédiées existantes mais elles ne sont pas dans le menu)
– Avenue des Jeux (filtre genre)
– King Jouet (filtre ‘pour qui’)
– Toys »R »Us (pages dédiées accessibles dans le menu)
– Pixmania (catégories dédiées)
– Maxi Toys (filtre sexe)
– Fnac (pages dédiées accessibles dans le menu)
Chez eux, il y a une séparation entre les jouets fille et les jouets garçons, soit au niveau des pages ou soit dans les filtres de recherche. Oups, j’espère ne pas me faire virer : mon employeur actuel fait partie des mauvais élèves…
Mais pourquoi ?
Alors, pourquoi y a-t-il deux rubriques « jouets pour filles » et « jouets pour garçons ». Deux réponses : CA et SEO.
Chiffre d’affaire : il y a quelques temps, une enseigne à décider de mélanger les jouets, de ne pas faire les fameuses pages roses et bleues. Résultat : baisse des ventes. Cela s’applique aussi au domaine du web.
Quant à SEO, c’est l’acronyme de Search Engine Optimization, c’est l’art de se positionner sur un moteur de recherche. En gros : si des pages semblables existent, c’est en partie à cause des gens qui les cherchent. Mais peut-on vraiment blâmer le jeune tonton qui n’y connaît rien en jouets et qui va instinctivement taper « jouet fille 4 ans » dans Google ?
Comme le prouve Twitter (réactions négatives suite à l’article de Guillaume), les constructeurs et les revendeurs ne sont pas les seuls responsables…
Quelles solutions (pour le web) ?
– Supprimer ces rubriques ou filtres « filles / garçons » ? Les revendeurs perdraient du CA et seraient moins bien positionnés au niveau des moteurs de recherche. Pour que cela marche, il faudrait que tous les sites jouent le jeu. En 2014, les femmes du Sénat ont publié un rapport appelé Jouets : la première initiation à l’égalité. C’est un dossier assez complet qui propose 10 recommandations (problème : ce ne sont que des « conseils », ce n’est pas « la loi »).
– Mettre les mêmes jouets chez les filles et les garçons ? Cela pourrait être une solution mais Google déteste le « duplicate content ». Mais j’avoue que ce serait un joli pied de nez pour les sexistes (des poupées chez les garçons ?).
Et du côté des catalogues papier ?
Du côté du print, en 2016, Auchan et Carrefour ont opté pour des catalogues genrés. Seuls Super U et Oxubul évitent les stéréotypes (pourtant, sur le site Oxybul, il existe un filtre filles / garçons). Cependant, de la séparation des genres au sexisme, il n’y a qu’un pas, comme le montre cette énorme maladresse de King Jouet : « tout faire comme maman, c’est vraiment marrant ! » :
Le marketing
Sachez-le, cette distinction de sexe n’a pas toujours été ainsi. Dans les années 1980, les jouets étaient unisexes. Depuis, le mot d’ordre est MARKETING. Du rose et du bleu à foison, des gammes spéciales dédiées aux filles et aux garçons, des publicités stéréotypées à en vomir…
Pour vous donner un exemple : pour Noël j’ai acheté un appareil photo enfant à ma fille de 5 ans de la marque VTech (pourtant j’adore cette marque) et il a fallu que je choisisse entre un jouet de couleur rose ou bleue. Pas de couleur neutre comme du rouge, du noir ou du blanc, bref n’importe quelle autre couleur. Chez nous, le rose est aussi bien pour les filles que les garçons, donc ce sera rose. Mais je sais que dans certaines familles, il est hors-de-question de faire porter du rose à son garçon ou de s’amuser avec un jouet rose.
C’est étonnant car dans d’autres domaines, par exemple les films Disney, c’est la tendance opposée : les filles ont des rôles de plus en plus « forts » : Mulan, Elsa, Vaiana (vous remarquerez : pas de rose)…
Qui est responsable / Que faire ?
Alors, à qui la faute ? Pour le marketing, ce sont les parents qui sont demandeurs. Pour les parents, c’est l’inverse.
Parce qu’il faut bien débuter quelque part, je vous invite déjà à ne plus jamais taper « jouets filles / jouets garçons » dans Google et de ne pas utiliser les filtres de sexe.
Au niveau des fabricants : quand vous proposez un jouet en rose et en bleu, donnez aux parents le choix d’une troisième couleur : un beau vert par exemple ou tout simplement du noir.
Au niveau de « mauvais élèves » : et si on re-mélangeait les jouets, comme dans les années 80 ?
En 2017, j’aimerais bien voir des petites filles jouer avec des Nerf (et pas des roses) et des petits garçons jouer à la dînette, pas vous ?
Un jour, la femme sera peut-être égale à l’homme (harcèlement de rue, égalité salariale, déclin professionnel après bébé, femmes battues, moins de femmes dans la sphère politique, sexisme au travail, et j’en passe, mais tout cela c’est tout un autre sujet)…
En attendant, je vous invite à partager cet article (hashtag #JouetsPourTous) si vous êtes d’accord avec celui-ci, les mauvais élèves enlèveront peut-être leur bonnet d’âne un jour…
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Totalement d’accord et je suis toujours obligée de reprendre ma belle mère qui dit toujours à ma fille ça c’est pour les garçons ça c’est pour les filles et du coup ma fille répète la même chose. Et ma belle sœur fait la même j’en deviens dingue.
Ah ça me rassure de voir que je ne suis pas la seule à penser ça :)